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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/290

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la réponse, n’y avait donné aucune attention, parce qu’il la connaissait d’avance, l’ayant lui-même dictée, tenait les regards attachés sur l’Africain, cherchant à découvrir l’effet que produirait sur lui cet arrêt imprévu, et il jouissait de ses angoisses, qu’il prolongea encore en affectant de garder un moment le silence, et feignant de délibérer en lui-même sur la résolution qu’il devait prendre. Enfin, haussant les épaules, comme s’il eût cédé malgré lui à une nécessité que son cœur regrettait : — Nous sommes vraiment fâché que telle soit la décision de nos révérends directeurs, dit-il ; mais nous nous sommes fait une loi de suivre toujours leurs avis. Qu’on mène donc ce pauvre homme au château de Ségovie !

Les gardes saisirent le malheureux étranger et l’entraînèrent malgré sa résistance désespérée, tandis que le prince, avec l’air de la plus parfaite indifférence, passait à un second solliciteur.

Celui-ci était un vieillard d’une naissance distinguée, et qui avait servi l’État avec honneur ; il demandait la délivrance de son fils emprisonné sur une fausse accusation d’hérésie. Le Roi, le regardant avec sévérité, lui répondit : Il faut que la sainte Église soit vengée ; si mon propre fils devenait hérétique ou schismatique, je préparerais moi-même le bûcher pour lui faire expier son crime dans les flammes.

Un moine franciscain s’approcha ensuite du monarque : c’était un homme sexagénaire, dont la longue barbe, déjà grise, retombait sur la poitrine ; il avait les pieds nus, les reins ceints d’une corde, et