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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/293

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a vu, dans une extase béatifique, l’âme de votre auguste père, l’empereur Charles-Quint, s’élever du purgatoire au séjour des bienheureux, rayonnant de gloire. C’est au zèle du Roi mon fils, disait-elle, c’est au juste châtiment des hérétiques poursuivis par sa sainte fureur, c’est aussi aux prières des bons pères de l’ordre de Saint-François, que je dois ma délivrance des flammes qui me brûlaient encore.

Pendant que le père Lucas d’Alienda débitait cette fable, le monarque le regardait d’un œil pénétrant, qui fit rougir le fourbe : il balbutia en achevant son récit, et l’on vit trembler le bâton sur lequel il s’appuyait. Cependant Philippe ne témoigna aucune méfiance, et, embrassant, avec toutes les démonstrations de la plus vive joie, l’hypocrite qui l’avait voulu jouer : Amen ! amen ! s’écria-t-il ; que nous sommes redevables à Votre Révérence de nous avoir fourni ce grand sujet de consolation ! comment nous acquitter envers vous ?

— Si j’osais demander une grâce à Votre Majesté, répondit le fourbe entièrement rassuré par les caresses du Roi, et ce serait exclusivement dans l’intérêt de l’État, je supplierais le plus sage des rois de se défier de certains loups revêtus de peaux de brebis, de ces soi-disant religieux qui, prenant pour eux-mêmes le saint nom de Jésus, s’attirent à l’aide de cet appeau la confiance des faibles, la soumission des ignorants, et les largesses des riches… Votre Majesté ne saurait croire quel tort nous font ces jésuites.

Peut-être Philippe ne fut-il pas fâché de manifester