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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/298

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— Que Votre Majesté daigne m’entendre ! dit-il d’une voix respectueuse mais ferme ; je ne suis point le satellite du tyran ; il m’a arraché une promesse et je viens la remplir : mais Dieu m’est témoin que personne plus que moi ne déteste le tigre qui a bu le sang de mes concitoyens.

La princesse hésita quelque temps avant de répondre ; ses yeux fixés sur le Flamand semblaient chercher dans son maintien la confirmation de son discours, mais sa figure exprimait si bien la noblesse et la loyauté qu’Anne d’Autriche ne put le supposer capable de perfidie.

— J’aime à vous croire, reprit-elle ; ce serait un être bien dénaturé que le Belge qui s’attacherait au duc d’Albe : mais, dites-moi, savait-on qu’il dût revenir en Espagne lorsque vous avez quitté les Pays-Bas ?

— J’étais à Bruxelles quand le duc de Médina-Cœli vint lui demander de remettre ses pouvoirs.

— La joie fut sans doute universelle ?

— La joie ! Ah ! madame, la douleur et la désolation succédèrent bientôt à l’espérance. Le duc d’Albe a refusé de reconnaître son successeur.

En apprenant une nouvelle aussi imprévue la Reine changea de visage ; ses joues pâles se teignirent d’un vif incarnat et ses yeux devinrent étincelants :

— L’audacieux ! dit-elle. Mais cette rébellion ne restera pas impunie : don Philippe est jaloux de son autorité…