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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/324

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pas si prompt ; que ne me laissais-tu le temps de finir ?

Le pilote détourna les yeux : Te donner à présent la main, c’est une chose impossible.

— Écoute-moi au moins, vieil enragé. Si tu n’avais fait que me sauver la vie, je ne m’exposerais peut-être pas pour toi ; mais, Dirk, je te dois davantage, et c’est ce que j’allais dire, quand tu m’as si follement interrompu : tu m’as vengé, brave Dirk, vengé d’un traître, d’un ennemi mortel… Et en prononçant ces mots ses yeux étincelaient de plaisir, et un sourire féroce brillait sur ses lèvres… Tu m’as vengé, nous avons foulé ensemble le cadavre de mon ennemi : je suis à toi à la vie et à la mort !

— Et tu voulais me tuer il y a un moment, répliqua le Zélandais.

L’Espagnol fronça le sourcil : Tu m’insultais, dit-il.

Louis de Winchestre, témoin muet de cette scène, éprouvait le mécontentement le plus vif d’être réduit à ménager cet homme dont la cruauté le révoltait. Il se contint cependant, retenu par le souvenir de Marguerite, et fit même signe au pilote de se réconcilier avec le familier de l’inquisition. Dirk obéit, et, surmontant sa répugnance, il se rapprocha de son ancien camarade, lui donna la main, et recommença à trinquer avec lui.

— Carino, dit-il, quand il le vit de bonne humeur, j’attends de toi un service.

— Parle, répondit l’Espagnol, et, par saint Jacques de Compostelle ! je ferai tout pour toi.