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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/335

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au berceau… et cependant j’aurais pu être un bon père, un bon époux !… Mais la soif de l’or,… le jeu,… la débauche !… Je me suis perdu… Laissez-moi, je ne mérite pas d’être appelé ton père.

La belle captive s’approcha avec effort, et, tombant à genoux : — Je sens que je vais mourir, dit-elle ; mon père, ne me repoussez pas !

Ces mots rendirent à Carino toute son énergie. Il se releva, prit sa fille dans ses bras et, la serrant avec transport : — Toi mourir ! s’écria-t-il ; non, ma fille, non, tu ne mourras pas : je te tirerai de ces lieux, où jamais tu ne serais entrée si je n’eusse été le plus dénaturé des hommes. Je te sauverai, et quand tu seras sortie d’ici, ce noble seigneur et mon vieil ami prendront soin de toi : car je ne suis pas digne de te protéger.

— Calme-toi, dit Dirk Dirkensen : si tu as mal manœuvré jusqu’ici, c’est une raison de plus pour veiller maintenant au salut du navire. Du courage, camarade ! ce n’est pas la première fois que tu seras sorti des bas-fonds sans y laisser ta quille.

— Il ne tiendra qu’à vous, ajouta Louis de Winchestre, de quitter ce pays et de nous suivre en Belgique, et quelles qu’aient été vos fautes, j’aime à croire qu’elles seront effacées par votre repentir.

L’alguazil maintenant, pâle et abattu, pleurait tour à tour de joie et de remords. Il embrassa mille fois sa fille et le bon pilote sans l’intervention duquel il eût lui-même livré la malheureuse à la lubricité de ses bourreaux ; puis, se précipitant aux genoux de