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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/394

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faire feu sur eux de loin, et, profitant de la supériorité de leur marche, ils se retiraient à mesure que les Frisons cherchaient à les joindre. Par cette manœuvre ils détruisaient leurs ennemis sans danger, puisque les patriotes ne pouvaient leur répondre qu’avec de petites pièces d’une faible portée, en mauvais état et dont il était dangereux de se servir.

Tandis que la première division de l’armée navale reculait ainsi, les deux autres, se développant, entouraient déjà la flottille frisonne. Alors commença une scène de carnage et d’héroïsme, la plus imposante peut-être qui se soit jamais offerte aux regards des hommes. Ce n’étaient point deux armées de soldats qui allaient s’entrechoquer ; ce n’étaient point deux flottes de guerre qui s’attaquaient : c’étaient des pêcheurs, des bateliers, des gens de toutes les professions qui, réunis sur quelques misérables bateaux, venaient combattre la flotte la plus belle, la mieux équipée, la plus abondamment pourvue d’armes, de soldats et de marins. Ils approchaient lentement, à cause de la pesanteur de leurs navires ; le feu meurtrier des ennemis, plongeant de toutes parts sur eux, ravageait leurs rangs ; cependant les intrépides Frisons ne se décourageaient point et continuaient à avancer avec une persévérance admirable contre ces adversaires qu’ils ne pouvaient atteindre. Ils voyaient que l’aile droite, en se retirant, les attirait au milieu de la flotte, que trente vaisseaux, disposés en demi-cercle autour d’eux, se préparaient à les foudroyer ; aucun de leurs navires ne s’arrêta, aucun ne changea