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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/57

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LE GUEUX DE MER

— Non, répondit le lieutenant d’une voix étouffée.

— Et nous laisserons insulter impunément ces pauvres femmes ?

Un combat terrible s’élevait dans le cœur de l’officier : il hésita quelque temps, en proie à l’émotion la plus puissante. Enfin, levant les yeux au ciel et mettant la main sur son cœur : Il le faut, dit-il ; le sort de la patrie peut dépendre du rapport que nous devons faire. Exposer maintenant notre vie, ce serait trahir la cause sacrée que nous défendons.

— Permettez-moi de vous dire, lieutenant, reprit le brave vieillard, que notre rapport sera fort inutile : l’amiral connaît ces eaux comme sa boussole, et d’ailleurs il doit être bientôt rejoint par Claas Claassens et par Joos de Moor.

— À terre donc ! s’écria l’officier avec l’accent de la plus vive joie. À terre ! puisque l’honneur nous le permet. La mort eût été cent fois moins cruelle que la vue de ces dames outragées à mes yeux.

Le pilote avait déjà ressaisi ses rames, et, s’en servant avec une vigueur et une adresse extraordinaires, il fit glisser rapidement le petit canot à la surface de l’onde.

Cependant le jeune homme craignait encore de se rendre coupable envers ceux qui lui avaient confié l’importante mission de reconnaître les parages que la flotte espagnole devait traverser. — Ami, dit-il à son compagnon, contente-toi de tirer de loin sur ces Espagnols, afin qu’au moins l’un de nous puisse retourner auprès de notre amiral.