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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/92

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C’était ce qu’avait prévu l’amiral de Zélande.

— Lieutenant, cria-t-il au jeune officier qui se tenait à l’autre extrémité du tillac, faites diminuer les voiles. Il faut encourager le Castillan à nous poursuivre, et avec l’aide de Dieu nous le mènerons là d’où la main des hommes ne saurait le retirer.

On exécuta cet ordre avec promptitude, car la décharge du gros vaisseau ennemi n’avait produit que fort peu d’effet à bord du flibot, et ce bonheur avait redoublé l’ardeur des marins. Cependant leur position n’était pas sans danger. Outre le navire de don Juan, plusieurs autres de même force s’avançaient contre eux de divers côtés, et commençaient à faire jouer leur formidable artillerie. De temps en temps les boulets enlevaient quelques cordages, déchiraient quelques voiles, et abattaient quelques matelots. Un morne silence régnait à bord du bâtiment, et n’était interrompu que par le bruit du canon. Guillaume, les bras croisés sur la poitrine, regardait le combat avec autant de sang-froid que si les balles ennemies n’eussent pu l’atteindre, tandis qu’Ewout Pietersen Worst, penché sur la galerie du flibot, tenait les yeux fixés sur la mer, comme s’il eût voulu lire au fond des eaux, et il donnait des ordres au pilote, non plus à haute voix, mais par gestes.

— Vous êtes blessé, amiral, s’écria Joos de Moor, en le voyant chanceler.

— Ce n’est rien, répondit-il en fermant sa grosse capote de marin. C’est le vent d’un boulet qui a failli me renverser.