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Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/135

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Aujourd’hui je vous vois au chevet de mon lit
Étendre vos deux mains sur mon front qui pâlit.
Mais vous n’êtes pour moi que ces subtils fantômes,
Dont se joua longtemps le caprice des hommes.
Tels, sur les lacs blanchis par la lune du soir,
Des vieillards trépassés, ensemble vont revoir
Sous leurs manteaux tremblants leur antique hermitage,
Leurs enfants endormis, le clocher du village,
Et, remontant leur barque en quittant ces doux lieux,
Murmurent sur les eaux de paternels adieux.
Tels vous m’apparaissez, doux souvenirs d’enfance !
Mais la froide raison, le doute, la souffrance,
Les rires soupçonneux d’un siècle sans amour
De mon cœur refroidi vous bannirent un jour.


IV

Tout souvenir des cieux passe avec les années ;
Sous l’étreinte du temps, nos ames ruinées
Regagnent dans les pleurs ce bord d’éternité
Que l’enfance en riant, jadis, avait quitté…
Cercle mystérieux, triste et secret voyage
Qui commence et finit dans la mer sans rivage.
Aujourd’hui je me perds sur cet obscur chemin,
Dont les extrémités n’ont ni soir, ni matin.
Sur ce monde inconnu, rêveur et solitaire,