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Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/15

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pas sur les bruyères de l’Écosse. Les Alpes n’ont pas encore eu d’amant pour les chanter, et pour en faire une terre classique de la poésie. Si Monneron eût vécu, s’il fût devenu tout ce que ses talents annonçaient, il aurait rempli cette tâche, car, jusqu’ici, c’est lui qui les a le mieux comprises et le mieux rendues. En lisant ses vers, on respire les parfums de la montagne ; on se rafraîchit à l’air des hautes cimes ; on écoute le bruit de leurs torrents ; on se perd dans leurs solitudes, qui se fatiguent à chercher le ciel. C’était bien à un de leurs enfants qu’elles devaient révéler tous les secrets de leur poésie.

Rousseau a surtout admiré dans nos montagnes la richesse de la nature, la variété infinie des aspects. Monsieur de Senancour y recherchait le silence qui les enveloppe ; sur leurs sommets, qui échappent à toutes les agitations de la plaine, il lui semblait que les heures étaient plus lentes, et que l’ame, à la fois plus calme et plus forte, trouvait des émotions supérieures dans cette immobilité, cette permanence de toutes choses. C’est bien ; mais ce n’est pas tout. Quant à Chateaubriand, il n’en a rien saisi. Il parcourut la vallée de Chamouny, il y chercha le sublime, et n’y rencontra que le monstrueux. De bons esprits s’en sont étonnés. La chose me paraît cependant naturelle, et parfaitement d’accord avec la manière de sentir qui appartient à ce grand poète. Ce qu’il aimait, c’était la mélancolie, le mys-