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Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/25

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main, et qu’elle ait passé sans peine de la réalité dans le poème ; maintenant, il n’en est plus ainsi : le flot de la vie se disperse dans mille courants que rien ne rattache. Si l’on est poète, c’est en dépit de toute la société qui nous entoure, et l’on peut dire comme Monneron :

« Dans ma chère patrie on ne sert pas mes dieux ! »

Le poète n’a donc de secours pour atteindre à cet organisme, pour réaliser cet idéal, que dans l’énergie de sa foi poétique, et surtout dans la force de sa conception ; mais cette conception n’est puissante que si elle a passé de l’état d’instinct, de germe, de besoin, à celui d’une création vivante et bien ordonnée, dont le poète a le secret et la parfaite conscience. Pour cela il faut un travail d’analyse aussi difficile que nécessaire, en sorte que maintenant on pourrait, sans paradoxe, recommander l’analyse au poète et peut-être au philosophe, l’intuition.

Si l’on juge notre poésie romantique en partant de ce point de vue, elle fond presque en entier dans les mains, et à travers sa richesse apparente on découvre une pauvreté réelle. Elle est riche de beaux vers, d’images hardies, d’expressions pittoresques, de pensées ingénieuses et profondes ; mais il est rare de trouver des œuvres accomplies. On a peur de la perfection ; nos poètes ont l’air de mettre plus de prix à une perle