Aller au contenu

Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rayons qui en descendent vers la terre ne pouvant rassasier son ame, il pleure comme s’il l’eût perdue. Il oublie que cette terre est un champ de bataille où il n’y a place que pour des soldats. Que dis-je ? il l’oublie ! Il le sait ; mais il est trop faible pour se mettre au nombre des combattants ; il se tient à l’écart, versant en silence ces pleurs éternels, ces lacrimæ rerum dont parle Virgile, et que le christianisme a fait jaillir de tant de paupières ; puis il meurt, dévoré de ce mal du pays qui n’atteint que les grandes ames, et qui révèle chez celui qui y succombe autant de faiblesse que de noble ardeur.

Hélas ! faut-il le dire ? Cette mort elle-même achève sa gloire ; elle donne à sa figure toute sa poétique et douloureuse expression. Il l’avait prédite ; elle vint couronner ses élans, exaucer sa prière. Il est lui-même ce poète dont il parle, et que le Christ, en prononçant ces paroles, envoie chercher par ses anges :

« Il est vers mon beau ciel d’étroites avenues,
Des sentiers détournés, des routes inconnues
Qu’explorent vers le soir de rares exilés.
Ils chantent leurs destins, qui leur restent voilés.
Leur astre est une larme, et leur foi la souffrance. »


Voilà son histoire. Martyr de la poésie, la souffrance est bien sa foi ; son étoile est bien une larme. On dirait la victime d’une longue expiation… Mais est-il vrai que la charité divine puisse