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Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/75

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« Viens ! Le lac nébuleux dans les neiges frissonne ;
Sur les âpres granits dont cette eau s’environne
L’aigle pesant s’élève et circule sans bruit.
Les rois des blancs sommets brillent dans la tempête,
Et l’orage lugubre a couronné leur tête
Du diadème de la nuit !

» Viens ! la nature aussi m’a compris dans cette heure ;
Elle a pleuré l’amour et le Dieu que je pleure ;
Notre rêve à tous deux monte en éternité !
Même regret des cieux, même cri d’espérance :
Ma pensée est l’écho de sa longue souffrance !
Le deuil profond de sa beauté !

» Dans ces franges de glace où se couche l’étoile,
Sur les aiguilles d’or que l’Occident dévoile,
Bel ange inspirateur, descends du fond des airs !
Par ces mornes glaciers dont la mer en tourmente
Sur les champs de la mort se déroule écumante,
Franchis ces montueux déserts.

» Ah ! viens ! nous serons seuls ! Toi seul auras mes larmes ;
Celles qu’on ne voit pas ont pour moi tant de charmes ;
Je te les consacrai pour épurer mes yeux.
Toi seul ! premier ami ! consolateur de l’ame !
Tu verras au désert ce qu’il restait de flamme
Dans mon cœur fier et soucieux !