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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/140

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

on le laisse pour six cents livres. Je n’avais que quatre cents livres sur moi, j’étais impatiente de procurer à mon protecteur l’objet désiré, les difficultés s’aplanissent, et l’élégant ouvrage arrive incognito sur la console qui l’attendait[1]. »

Mais, hélas ! le tour de faveur n’en vint pas plus vite pour cela. Il semblait que la fatalité s’acharnât après elle : tantôt c’était mademoiselle Olivier qui passait de vie à trépas, tantôt c’était Molé qui parcourait la province. Alors, et comme pour prendre patience, madame de Gouges présenta une nouvelle pièce, Lucinde et Cardenio, qui fut refusée, celle-ci, avec un touchant et unanime accord. Il s’ensuivit, pour le coup, une brouille réelle avec les sociétaires. Les choses furent poussées même assez loin, et madame de Gouges s’épancha en plaintes tellement acrimonieuses que le secrétaire de la Comédie ne put s’empêcher de la réprimander avec quelque énergie. Furieuse, elle s’empressa de demander réparation au comité : « Un de vos membres m’a insultée au nom de la Comédie ; je vous demande raison pour elle et pour moi. Ce membre est M. Florence ; il m’a dit en pleine rue, devant M. le chevalier de Cubières, que vous aviez décidé de ne plus recevoir aucune de mes pièces. Je ne puis croire cela de vous. Permettez-moi de vous citer le mot connu : « Un mauvais cheval peut broncher, mais non pas toute une écurie. »

  1. Disons, à l’honneur du comédien Molé, que, lorsque madame de Gouges eut rendu publics ces détails, il s’empressa d’envoyer au curé de Saint-Sulpice une somme de six cents livres, équivalent du cadeau de porcelaine, pour être employée en œuvres charitables, avec prière de regarder madame de Gouges comme l’auteur de ce bienfait.