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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/154

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

L’une des propensions de sa doctrine incertaine est l’affranchissement de la femme. Cette cause lui donne des accès de fièvre, pendant lesquels son malheureux secrétaire est obligé de sténographier jour et nuit ses déclamations. C’est ainsi qu’en moins d’une semaine elle écrit le Prince philosophe (1791 ; 2 vol. in-12), consacré à la glorification de la femme politique. Ce n’est certes pas un livre irréprochable sous le rapport du style, mais on y trouve néanmoins des détails curieux, comme ce tableau des modes frivoles du temps :

« À cette époque, toutes les femmes de Siam étaient moins occupées de leur ménage que du soin de se parer. Les coiffeurs et les marchandes de modes jouent de grands rôles dans cette ville ; à peine Idamée fut-elle devenue reine qu’on inventa un bonnet à la chinoise. Il était fait en pain de sucre, il avait trois pieds de hauteur sur quatre de diamètre. Des rubans argentés et en quantité prodigieuse, des chaînes et des perles faisaient le tour de cette pyramide, surmontée par un terrible et nombreux panache en plumes de toutes couleurs. C’était aussi la mode d’empanacher les chevaux, et de loin on ne distinguait pas les femmes qui étaient dans les chars d’avec les chevaux qui les traînaient. Mais peu à peu cette fureur de bonnets alla en s’affaiblissant ; bientôt on supprima les bonnets et les chapeaux en entier : les cheveux en désordre se jouaient sur le front ; un bouquet de fleurs seulement, placé sur le côté, affichait la négligence de cette coiffure, à laquelle l’aimable Folie avait donné naissance. »

Le succès du livre fut nul ; mais aussi en quel temps osait-elle parler de perles et de fleurs ?