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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/167

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LE COUSIN JACQUES.

c’est-à-dire qu’il chanta à ravir, qu’il apprit à pincer de la guitare et qu’il composa de petits vers pour les dames qui mettaient du rouge. Il eut de la vogue comme Vert-Vert, on se l’arracha, on se le disputa dans les sociétés bourgeoises : il apportait des bouquets, on lui rendait des pralines, et il disait merci d’une voix flûtée. Pour mettre le sceau à son mérite, il improvisa un matin les strophes suivantes pour une jeune femme qui demeurait vis-à-vis de lui, et qu’il avait aperçue à sa fenêtre :

En peu de temps tu te fais bien connaître,
En peu de temps tu sais te faire aimer.
Pour exercer le pouvoir de charmer,
Tu n’as besoin que d’être à ta fenêtre.

L’heureux passant, dès qu’il t’a vue paraître,
Partout ailleurs n’envisage que toi ;
À tes attraits il se rend comme moi,
Et comme moi rend grâce à ta fenêtre.

Le tendre Amour est devenu mon maître ;
Par son pouvoir je me sens partager ;
Ce dieu m’a fait à demi déloger :
Il a porté mon cœur sur ta fenêtre.

De tes beaux yeux la puissance fait naître
Dans tous les cœurs l’image du plaisir ;
Mais il faudrait, hélas ! pour en jouir,
Il faudrait être — ailleurs qu’à la fenêtre.

La chanson était galante, le motif en était ingénieux ; elle courut les salons et valut à son auteur une grêle de compliments. L’abbé de Reigny eût pu vivre longtemps ainsi de glorioles et de pralines, s’il