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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/175

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LE COUSIN JACQUES.

cette nymphe en habit de gaze qui ne laisse après elle ni délires ni soucis, et dont le Cousin Jacques avait fait sa muse souveraine. Faut-il citer les bouffonneries qu’elle lui inspira, l’Île des Cataplasmes, le Bal des Comètes, l’Histoire du musicien Gobnichelli, les Deux Paris l’un sur l’autre, et mille autre caprices de pensée et de forme ?

La critique, qui ne sommeille jamais en France, avait bien de temps en temps quelques malices pour le Cousin Jacques, quelques coups de dents pour ses Lunes, mais c’était fort peu de chose. Une seule farce un peu amère fut dirigée contre lui ; voici comment : dans un article allégorique, il avait demandé plusieurs animaux destinés à former une ménagerie supposée. Un plaisant, très-dur d’oreille à l’endroit de la rhétorique, eut la complaisance d’acheter dans le quartier de Sainte-Geneviève un superbe aliboron ; il poussa même le faste jusqu’à le faire bâter et équiper de pied en cap : un ruban de couleur rose, attaché à sa queue, flottait au gré du vent ; sur chacune de ses oreilles était nouée une rosette d’oreilles de crêpe, bordée d’une colette de satin, telles qu’on les faisait alors dans les magasins de modes. Les deux œillets de son mors étaient deux lunes de cuivre doré. Cela était charmant. Sur le front de la bête, il y avait un papier vert étalant ces mots écrits en grosses lettres d’or : âne pour le cousin jacques. Cet âne, majestueusement escorté du domestique de l’acheteur, traversa tout Paris au milieu des brocards d’une foule immense, et ne s’arrêta que devant le bureau des Lunes.

Il est probable que le Cousin Jacques ne fut pas enchanté de la plaisanterie ; cependant il n’en mon-