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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/181

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LE COUSIN JACQUES.

de l’Amour furent jouées un nombre de fois considérable, surtout en province, et on les revit avec infiniment de plaisir, en l’an vii, sur le théâtre de la rue de Bondy. Après un tel succès, le Cousin Jacques fut nommé d’emblée complimenteur du théâtre des Italiens, c’est-à-dire qu’on le chargea de composer les pièces de fermeture et de réouverture, honorifiques fonctions qu’il conserva pendant plusieurs années. Quelques-unes de ces pièces ont été imprimées, soit dans les Lunes, soit séparément.

Il mena une existence assez reposée jusqu’aux approches de la Révolution. D’ailleurs c’était un homme de goûts simples, trouvant son bonheur dans le seul et libre exercice de la littérature. Il fut donc tout étonné, en 1789, de voir entrer le peuple chez lui. Le peuple chez le Cousin Jacques ? Oui, vraiment. Sa réputation s’était faite à la sourdine et avait pénétré jusque chez les dernières classes, qui l’aimaient à cause de sa jovialité et de son nom facile à retenir. Le peuple l’entraîna malgré lui à l’hôtel de ville pour le forcer d’écrire le siège de la Bastille. C’est comme si le peuple de nos jours était venu chez Béranger pour le forcer d’écrire l’histoire de la révolution de février. Vainement le Cousin Jacques essaya-t-il d’objecter qu’il était chansonnier, rien que chansonnier, et point du tout historien, on ne voulut pas l’entendre. Dix ou douze patriotes l’empoignèrent par le collet et le traînèrent de la sorte jusqu’au milieu de la cour de l’hôtel de ville, que remplissaient en très-grand nombre les bourgeois de Paris et les gardes françaises. Là le Cousin Jacques écrivit sous leur dictée le Précis de l’histoire de la Bastille, en ayant soin de s’arrêter après chaque phrase pour demander si