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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/200

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Le 9 thermidor rendit au cousin Jacques un peu de tranquillité, que le 13 vendémiaire lui enleva. Dès les premiers coups de canon, il courut se réfugier dans une masure du faubourg Saint-Marceau ; mais, ne s’y trouvant pas parfaitement en sûreté, il traversa Paris vers onze heures du soir, et monta dans le haut du faubourg du Temple. Une dame, qui était alors à la campagne, lui avait confié, quelques jours auparavant, la clef d’une mansarde de huit pieds carrés où étaient renfermés des meubles. Laissons le Cousin Jacques raconter lui-même ses impressions dans ce taudis :

« J’arrivai là le soir, sans lumière, avec un ami que j’avais mis dans ma confidence ; je me couchai sur un matelas ; je n’avais pas deux pieds de terrain pour me retourner, à cause des meubles. Une mauvaise lucarne, fabriquée à plat sur le toit, m’envoyait la pluie avec prodigalité. Cette chambre n’étant occupée par personne depuis six mois, il fallait, pour tromper les voisins, que mon ami m’enfermât à double tour. Il me laissa du pain et du vin, mais point d’eau, il me quitta avec promesse de revenir le lendemain au soir. Qu’on se figure la nuit que je passai dans ce séjour inconnu, comblé de meubles jusqu’au plancher, et où je dus renoncer à tousser, à cracher, à me moucher et même à dormir, de peur qu’on ne m’entendît par hasard ronfler dans cette chambre, où les gens de la maison ne soupçonnaient aucun être vivant.

« Par malheur, l’ami chargé de pourvoir à ma subsistance, étant revenu le lendemain au soir, ne reconnut pas bien la porte : il n’y voyait pas clair et il prit celle d’un voisin pour la mienne. Celui-ci,