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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/234

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

personne voulait à toute force m’épouser ; moi, je ne voyais rien à redire à cette intention, qui me paraissait louable en tout point. Le conseiller seul se désolait à l’idée de m’avoir pour gendre ; c’était une de ces épaisses marionnettes de robe, incapable de rien comprendre à la moindre fredaine, un personnage ridicule, couvert des pieds à la tête de la rouille des vieux préjugés. Je ne sais où ce mal-appris avait été quérir ses renseignements sur mon compte ; mais il n’était sorte d’impertinences qu’il ne me fît ; — il m’en fit tant que, malgré l’état avancé des choses et les tendres sentiments que m’inspirait son adorable fille, il me dégoûta d’une alliance où je n’entrevoyais déjà que déboires et humiliations. Néanmoins, j’étais encore retenu par les liens de la délicatesse et de la convenance ; le diabolique conseiller au parlement essaya de les briser : il m’offrit dix mille écus si je consentais à me désister. Vous devez supposer avec quelle indignation j’accueillis cette ouverture. Mais il m’en offrit vingt mille, et, ma foi…

Que voulez-vous ? on était toujours sous la régence.

On m’a reproché mes créanciers. La plaisanterie est bonne, n’est-ce pas, monsieur ? et il eût fait beau voir qu’un homme de ma sorte ne dût rien à personne. Les créanciers ! mais c’est le nerf de la réputation. Je lis à ce propos, dans une gazette qui me prend à partie, un trait que je n’ai aucun motif de désavouer : — « Cet homme, — c’est de moi qu’il est question, — est un excellent comédien ; il prend tous les masques, tous les accents qu’il lui plaît. Après avoir passé quelque temps à Rouen, il était venu à Paris, puis il était retourné à Rouen. Parmi les