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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/255

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LE CHEVALIER DE LA MORLIÈRE.

et j’allais m’exclamer, quand je sentis mon autre bras comprimé non moins énergiquement.

C’était le voisin de gauche.

— Silence ! me dit-il.

Le sang m’arriva à la figure ; mais, retenu par les deux poignets, que pouvais-je faire ?

— Restez tranquille, me dit brutalement dans l’oreille le premier de ces bourreaux.

— Si vous faites un geste, si vous jetez un cri, ajouta le second, notre ordre est de vous enlever de votre place et de vous expulser du parterre.

Ces hommes étaient deux exempts de police déguisés ; j’aurais dû m’en apercevoir plus tôt à leur laconisme farouche. Ils étaient taillés en athlètes : toute lutte avec eux eût été misérable, et je ne dus même pas y songer.

— Ah çà ! mes drôles, murmurai-je, savez-vous qui je suis ?

— Parfaitement ; vous êtes le chevalier de La Morlière, et nous avons mission, mon camarade et moi, de vous surveiller.

— Aujourd’hui ?

— Aujourd’hui et demain, et tous les jours, jusqu’à une nouvelle consigne.

— Mais de quel droit ?… demandai-je confondu.

L’exempt ne m’écoutait pas ; ses yeux étaient fixés sur la scène avec admiration.

— Taisez-vous, dit-il, voilà mademoiselle Clairon qui entre en scène ; ah ! quel jeu, quelle actrice, monsieur le chevalier !

Et il se mit à claquer.

J’étais pourpre ; je me tournai vers le second