lai aussitôt une petite mendiante à qui je donnais souvent l’aumône, et qui m’avait frappé par la douceur de sa figure.
— Elle se sera évanouie, pensai-je ; le froid… la faim peut-être…
Et l’ayant chargée sur mes bras, je la montai jusque dans ma chambre où j’allumai un grand feu, qui nous était presque aussi nécessaire à l’un qu’à l’autre.
La chaleur la fit revenir à elle. Surprise de se trouver seule avec moi, à cette heure de la nuit, l’extrême rougeur remplaça sur ses traits l’extrême pâleur. Je la rassurai du mieux qu’il me fut possible, — et j’allai tirer de mon buffet quelques viandes froides, avec une bouteille de vin bourguignon. Ce petit repas établit la confiance entre nous ; — l’enfant me remercia avec une effusion dont mon cœur fut agité.
Sur ces entrefaites, une idée me saisit.
— Comment vous appelez-vous ? lui demandai-je.
— Denise.
— Quel est votre âge ?
— Dix-sept ans, me répondit-elle.
— Eh bien, Denise, moi j’en ai plus de soixante-six ; je suis un vieillard et je ne tiens à personne au monde ; voulez-vous être ma gouvernante ?
La petite joueuse de guitare resta un moment interdite ; puis de grosses larmes se firent jour dan ses yeux.
— C’est plus de bonheur que je n’osais en attendre, dit-elle ; parlez-vous bien vrai ?
Il n’y a que les âmes naïves pour opérer des bouleversements dans les âmes flétries. Cette jeune fille,