j’avais un grand parc, où, quand je me promenais, les paysans me saluaient avec reconnaissance. Le soir, j’avais un grand foyer réjouissant et flamboyant ; j’étais assis dans le fauteuil qui avait servi à mon père, et, à mon tour, en me penchant à droite, je pouvais dire : Ma fille ! et en me penchant à gauche : Mon fils !
— Dis donc, La Morlière, voilà une table de passe-dix qui se forme, et l’on va jouer le petit écu.
XIII
LA RÉALITÉ
C’était la Cardonne qui me tapait sur l’épaule.
Je me réveillai.
L’imagination encore remplie de mon rêve, je me levai en chancelant, les bras engourdis, les yeux brûlants, et je fis quelques pas au hasard.
Tout à coup je reculai.
J’avais en face de moi un personnage étrange, repoussant, flétri. C’était un homme âgé, mais dont les rides paraissaient être plutôt l’ouvrage du vice que l’ouvrage du temps ; ses paupières étaient rouges, ses lèvres étaient pâlies. Il était couvert de vieilles dentelles ; un pauvre habit de taffetas se collait sur ses épaules, et sa cravate, semblable à une dernière affection, semblait prévoir avec regret le moment prochain où il allait falloir se séparer de lui…
À ce spectacle, je ne pus retenir un geste de dégoût et de pitié, — que le personnage répéta.
Étonné, je me frottai les yeux. : j’aperçus alors une glace placée à quelque distance devant moi, et dans