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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/290

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

difficile de plonger bien avant dans une existence, et, pour ma part, je me serais trouvé fort embarrassé si, à défaut de l’homme, il ne m’était pas resté l’écrivain, — un des plus intéressants qu’ait fournis la première période de la Révolution.

Où naquit Gorjy ? Quand naquit Gorjy ? Ce sont des points ténébreux qu’il a été impossible d’éclaircir jusqu’à présent. On a dit qu’il était venu du Dauphiné, et je ne suis pas éloigné de le croire par la tournure de son esprit un peu froid, un peu contourné, un peu robuste, un peu singulier ; les qualités et les défauts, Gorjy ne les possède qu’à l’état d’un peu. C’est une violette poussée à l’écart et bien enfouie au milieu de l’herbe, symbole de plus en plus rare dans la république des lettres. Il débuta modestement, à l’ombre de Sterne, par un Nouveau voyage sentimental (Paris, 1785) qui ne fit rumeur ni dans le public ni dans les gazettes ; mais il ne faut pas en être surpris : on était alors rebattu des imitations et de tous les paradoxes oiseux ou impertinents, colportés sous le pavillon de l’humoriste anglais. Gorjy fut sans doute mal lu ou il ne fut pas lu du tout. Ce qu’il y a pourtant de certain, c’est que, de tous les petits auteurs d’alors qui forment la queue de Sterne. il est assurément le plus intelligent et le plus inventeur. Du reste, on trouve dans son nom comme un anagramme d’Yorick.

À cette époque il y avait au Palais-Royal un théâtre où des enfants et des marionnettes jouaient ensemble derrière une gaze, tandis que l’on parlait et que l’on chantait pour eux dans la coulisse. Ce théâtre, qui devait passer plus tard aux mains de mademoiselle Montansier, était alors connu sous le nom