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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/301

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GORJY.

il ne sait à qui entendre ; cependant les exhortations d’Adulé finissent par l’emporter, et il se décide à partir pour la grande ville de Néomanie. Madame Jer’nifle le suit en soupirant. À douze minutes de latitude, en prenant pour équateur le clocher du village, nos voyageurs font rencontre de la Dame de Liesse, la dernière fée, celle qui préside aux fêtes, au réveillon de Noël, aux dragées du premier de l’an, au gâteau des Rois, aux œufs de Pâques, aux feux de la Saint-Jean ; qui fabrique, au fond d’un joli hameau presque inconnu, toutes sortes de joujoux pour les nouveau-nés, tels que de petits moulins à vent, de beaux forgerons en bois rose et à moustaches, tapant sur une enclume à fleurs, des caniches qui aboient, des trompettes brillantes, et ces carafes bénies qui renferment tous les instruments de la Passion, la croix, les clous, l’échelle, la lance et l’éponge. La Dame de Liesse est environnée de bambins charmants, aux membres potelés, au regard spirituel, aux lèvres vermeilles. Elle engage Bredouille à retourner sur ses pas, et lui rappelle qu’elle a toujours été l’amie de son père, de son grand-père, de son bisaïeul, en un mot, de toute sa famille ; mais Bredouille est obstiné il écoute à peine la Dame de Liesse, et, enfonçant le talon dans les flancs de son âne, il continue sa route.

Arrivés au port voisin, i’Ann’quin Bredouille, le petit Adule et madame Jer’nifle s’embarquent sur un vaisseau. Comme on a le vent contraire, l’impatience gagne quelques passagers qui ne sont pas accoutumée aux difficultés de la mer. Adule, toujours aux aguets, va vite leur souffler à l’oreille : « Eh ! messieurs, pourquoi laisser faire le pilote à son gré ? Ne