Aller au contenu

Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
GORJY.

put s’empêcher de le lui témoigner, même de lui reprocher une inaction qui devenait un crime quand il s’agissait du salut de tous. « Je serais, lui répondit le jeune homme, un des premiers au cabestan, à la pompe, dans les hunes, partout où je pourrais être utile ; mais, dans l’impossibilité de l’être, au milieu d’une si grande confusion, ce que j’ai de mieux à taire, c’est de ne pas l’augmenter. — Mais si nous périssons ! reprit i’Ann’quin. — Je n’aurai pas eu la peine inutile que vous voudriez que je prisse ; mais, rassurez-vous, ce navire-ci est d’une construction tellement solide que, dût-il essuyer encore plus d’orages, il y résisterait. La traversée sera longue, fatigante, mais on s’en tirera. » Et il se remit à son ouvrage.

Assurément, c’est bien parler, mais Gorjy ne s’est pas toujours tenu aussi en dehors des événements qu’il veut le dire, et l’ouvrage où il écrit les lignes que nous venons de produire est une protestation contre ces lignes mêmes. En effet, à partir de ce chapitre, les arêtes du pamphlet se mettent à percer sous l’allégorie devenue de plus en plus transparente. Débarqué dans la grande ville de Néomanie, i’Ann’quin Bredouille se mêle à la foule, et, à l’aide d’une lunette d’approche, il aperçoit sur une montagne, loin, bien loin tout à fait dans la vapeur, un temple qu’il est impossible de voir sans en désirer la conquête, chimère de tous les siècles et de tous les pays. i’Ann’quin commence déjà à déchiffrer l’inscription du fronton : d’abord un L ; puis un I ; un B vient ensuite… Mais l’affluence est telle pour ce spectacle qu’un autre curieux lui arrache le verre sans lui laisser le temps d’en lire davantage. N’im-