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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/31

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LINGUET.

En une autre circonstance, ce fut l’assemblée des avocats qui s’écoula doucement par une porte dérobée, laissant Linguet, dans une chambre voisine, attendre ses résultats toute une demi-journée.

N’ayant plus rien à espérer des formes et du parlement, il ne restait à Linguet d’autre ressource que d’en appeler au Conseil. Il alla lui-même à Choisy présenter directement sa requête au roi. Sa Majesté la remit à M. de Malesherbes, pour qu’il en fît son rapport ; mais le Conseil ne jugea pas à propos de statuer sur cette demande. — Ainsi se termina, ou plutôt ne se termina pas, cette fameuse affaire, dans laquelle Linguet avait tant écrit et où il s’était donné tant de mouvement.

Privé de son état, mais ne voulant pas en finir si tôt avec la célébrité, il se découvrit une troisième vocation, celle de journaliste. Moyennant dix mille livres par an, il accepta du libraire Panckoucke la rédaction du Journal de politique et de littérature qui se publiait à Paris sous la rubrique de Bruxelles. Pendant une année et demie, Linguet ne sortit pas des bornes d’une discussion impartiale et modérée ; mais il se déchaîna bientôt à l’occasion de la récep-

    voix si douloureuse et en même temps si forte, que ses accents, entendus au dehors, ébranlent tout son parti. La comtesse de Béthune crie qu’on égorge son avocat ; toute la jeunesse indisciplinée qui l’accompagne enfonce les portes, et vient, par sa présence tumultueuse, troubler la délibération. On est obligé d’interrompre. Linguet se désespère, et cherche, pour dernière ressource, à former une émeute ; quelques-uns de ses partisans tirent leur épée. Cependant la vaporeuse comtesse de Béthune se trouve mal ; on l’emporte, on la suit. Pendant ce temps-là, on va aux voix, et la radiation de Linguet est prononcée par cent quatre-vingt-huit voix contre dix. »