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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/318

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OUBLIÉS ET LES DÉDAIGNÉS.

et distribué. C’est Adule qui est chargé d’aller chercher les parts sous la serviette chaude.

« Vivat ! s’écrie i’Ann’quin, vivat ! c’est moi qui suis roi ! — Monsieur Bredouille, dit le locandier, est-ce que vous seriez encore assez de votre village pour vous applaudir de bonne foi ? — Certainement. Quelque court que soit ce rôle-là, il est beau à jouer. Je suis un peu gourmand, j’aurai les meilleurs morceaux ; et chaque fois que je boirai j’entendrai des cris joyeux… On le regarde avec un air de pitié. Il continue : — Mais point de bonheur lorsqu’il n’est point partagé ; il me faut une reine, et c’est vous, mademoiselle… Disant cela, il jette la fève dans le verre d’une voisine infiniment intéressante. i’Ann’quin Bredouille est à la fois connaisseur et galant, et il se prépare à débiter un compliment qui, depuis que la famille des Bredouille existe, n’a jamais manqué son effet, lorsque tout à coup sa phrase se glace au passage, et il reste bouche béante en voyant sa voisine presque évanouie. Après un moment de silence : « Ah ! Monsieur, que vous ai-je fait ? s’écrie la nouvelle reine en sanglotant ; pourquoi me jouer un tour aussi perfide ? » L’étonnement d’Ann’quin Bredouille redouble à ces expressions ; mais que devient-il lorsqu’une voix unanime le condamne à aller s’asseoir, avec sa voisine, à une petite table se parée de la grande, et où on lui envoie les morceaux les moins délicats, le vin le plus trempé. Les tabourets boiteux exigent que l’on calcule ses moindres mouvements, si l’on ne veut pas être culbuté. Cette nouvelle manière de fêter le roi étant de tout point opposée à l’ancienne, les honneurs d’autrefois sont remplacés par de petites malices auxquelles prend