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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/33

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LINGUET.

hensible sans contredit ; on le met à l’amende, on lui enjoint d’être plus modéré ; mais on ne lui défend pas de remuer son bras à l’avenir. Il serait absurde de condamner quelqu’un, pour l’oubli d’un moment, à une inaction de toute la vie. De même, sire, je suppose que j’aie en effet manqué à l’Académie et à son favori ; il leur fallait des réparations, je le veux croire ; mais mon journal entier n’était pas composé d’outrages académiques ; il y avait des parties utiles ou du moins irrépréhensibles. Pourquoi les retrancher, sous prétexte que deux pages auront déplu à un corps à qui l’on croit devoir des ménagements ? Pourquoi mettre ma plume en écharpe, parce qu’en la secouant j’aurai fait une tache à l’habit de quelque voisin ?

« Sous quel malheureux, sous quel inconcevable ascendant ai-je donc reçu la naissance ? Quoi ! sire, dans les classes les plus viles, les plus immédiatement soumises à l’autorité de la police, les plus accoutumées à se voir sacrifiées à l’ordre général, on observe des ménagements quand il s’agit d’enchaîner les bras d’un homme ; on ne renverserait pas la boutique ambulante du dernier des artisans, sans avoir constaté et pesé le délit qui paraîtrait mériter ce châtiment ; et moi, dans deux carrières, un despotisme révoltant, des cabales honteuses ont réussi deux fois, sans forme de procès, à m’enlever mon état ! »

Ces récriminations, on le voit, sont écrites dans un style très-énergique, très-coloré. Linguet terminait, comme toujours, en demandant des juges : « Si le crédit de mes ennemis prévaut encore même à cet égard, dit-il, si leur influence réussit à m’empêcher d’obtenir un examen, je me bornerai à gémir de la