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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/370

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Après avoir joué des mystères, il voulut jouer des comédies. Il changea de troupe et débuta dans l’emploi des grandes casaques, qui comprend les principaux valets de l’illustre répertoire. Il n’y eut pas moins de succès que dans les anges. Le nom de Plancher-Valcour est lié avec celui des fameux cabotins, tels que Dumaniant, Collot-d’Herbois, Patrat. Nul plus que lui n’a couru la France ; nul ne s’est agité davantage sous le lustre et sous les frises. Il a été un des plus charmants héros de ce monde équivoque de coulisses, qui est la fête des tables d’hôte, la joie des officiers de garnison, le scandale des bourgeois de petite ville. Il a été un des rois de ce royaume de Cocagne où chacun représente et incarne une création de quelque grand rêveur, et où les femmes ont fait un pacte avec la jeunesse, la poésie et la beauté, depuis six heures du soir jusqu’à minuit. — Plancher-Valcour a promené la nonpareille de Gros-René et la cape changeante de Sbrigani jusque dans les derniers recoins de la province, allumant en tous lieux l’esprit de Molière comme un phare, et passant volontiers de l’amour de la comédie à la comédie de l’amour. Quand ce n’était pas Dorine ou Nicole, la servante aux beaux bras et à la fine jambe enfermée dans un bas de soie rouge, c’était quelque discrète Elmire de faubourg qui le recevait, sur le soir, dans une petite chambre où il y avait une table servie.

Ainsi faisant, il devint poëte, ce qui est tout naturel ; non pas poëte de comédie, cependant, mais faiseur de vers tendres, galants, érotiques ; conteur de boudoir et d’alcôve ; chroniqueur indiscret de Paphos, de Cythère et d’autres lieux. Il accorda ses