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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/66

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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

II

Lorsqu’il connut bien Paris, hommes et choses, Sébastien Mercier songea à rassembler tout ce qu’il avait vu dans une vaste composition encyclopédique. Nul que lui ne pouvait mieux exécuter ce travail ; enfant de Paris, observateur pittoresque et puéril, œil curieux, plume ardente, il réunissait les conditions nécessaires pour intéresser et surtout pour surprendre. Déjà, dans l’Essai sur l’art dramatique et dans l’An 2240, rêve s’il en fut jamais, il avait laissé entrevoir ce projet qu’il commença à réaliser en 1781, sous le titre de Tableau de Paris.

Tout le dix-huitième siècle est contenu dans le Tableau de Paris, surtout le dix-huitième siècle de la rue ; il y a de tout : des tréteaux, des auberges à quatre sous, des réverbères, du guet, des greniers, de Bicêtre, des chiens tondus, enfin tout ce qui fait retourner la tête. Aussi Mercier avait-il pour habitude de dire qu’il l’avait écrit avec ses jambes. Cela ne ressemble guère aux Lettres persanes, mais cela ne vaut pas plus mal. « Si, en cherchant de tous côtés matière à mes crayons, j’ai rencontré plus fréquemment dans les murailles de la capitale la misère hideuse que l’aisance honnête, le chagrin et l’inquiétude plutôt que la joie et la gaieté, jadis attribuées au peuple parisien, que l’on ne m’impute point cette couleur triste et domi-