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MERCIER.

réunit le mieux ses qualités d’écrivain et qui accuse au degré le plus éminent la force nerveuse de sa pensée, plus jeune qu’au premier jour. Tel chapitre semble avoir été tracé avec le pinceau noir de Ribeira ; tel autre (celui par exemple de la description du Palais-Royal) rappelle les colères radieuses de Rubens. C’est un vaste et turbulent tableau de la Révolution, où l’on a déjà beaucoup pris, où l’on prendra davantage encore. En composant le Nouveau Paris, Mercier n’avait pas la prétention de se faire l’historien d’une époque si prodigieuse. « Pour peindre tant de contrastes, écrit-il dans son avant-propos, il faudrait un historien comme Tacite ou un poëte comme Shakspeare. S’il apparaissait de mon vivant, ce Tacite, ce Shakspeare, je lui dirais : Fais ton idiome, car tu as à peindre ce qui ne s’est jamais vu, l’homme touchant dans le même moment les extrêmes, les deux termes de la férocité et de la grandeur humaines. Si, en traçant tant de scènes barbares, ton style est féroce, il n’en sera que plus vrai, que plus pittoresque ; secoue le joug de la syntaxe, s’il le faut ; oblige-nous à te traduire ; impose-nous non le plaisir, mais la peine de te lire. » En conséquence, ce n’est qu’à l’état de notes, d’ébauches, d’improvisation que nous est parvenu le Nouveau Paris ; mais tel qu’il est, je le répète, c’est le livre le plus précieux et le plus fidèle qui nous ait été transmis par le Directoire, en dépit de quelques contradictions politiques.

En 1801, Mercier publia sa Néologie ou Vocabulaire de mots nouveaux ou à renouveler, ouvrage qui appartenait de droit à l’indépendance absolue de ses idées, et qui fit jeter les hauts cris à la secte des académi-