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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/85

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MERCIER.

vous à sa gloire dans le siècle suivant. « La génération actuelle n’est pour moi qu’un parterre qui doit se renouveler demain, » avait-il habitude de dire. Hélas ! le parterre s’est renouvelé ; seule, la gloire a manqué au rendez-vous.

Après les premiers balbutiements, il rompit hardiment avec la tradition et se créa une langue à laquelle on ne peut refuser ni la franchise, ni la couleur, ni la souplesse. Il n’écrivait pas toujours en pur français : mais cela lui était égal ; il n’a jamais aspiré qu’à se faire comprendre. Bien qu’il eût la grammaire infuse, il semblait prendre à tâche de l’oublier : on eût dit un écolier hargneux, devenu savant malgré lui, et se vengeant sur la science des coups de férule qu’elle lui a valus.

Il est principalement l’homme de l’inspiration, de l’exaltation : il n’écrit jamais une ligne à froid. Sa fougue se trahit dans les sujets les plus abstraits en apparence, il dramatise tout ce qu’il touche. « J’aime à faire vite, et surtout j’aime à faire seul : car, pour qu’un ouvrage ait une physionomie, il faut qu’il soit empreint d’une volonté une et despotique. »

Ce qui a manqué à Mercier, ce sont des juges, des juges consciencieux, impartiaux. Son mérite, ses efforts sont longtemps demeurés inappréciés et indéfinis. La meilleure formule de son talent, c’est lui qui l’a donnée : car il avait pour coutume de se payer de ses propres mains, afin d’éviter l’ingratitude. Voici donc ce qu’il disait de lui-même dans une conversation particulière retenue par M. Delort et rendue dans ses Voyages autour de Paris : « Greuze et moi, nous sommes deux grands peintres : du moins Greuze me reconnaissait pour tel. Nous nous connaissions de-