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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/90

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

« Ses amusements étaient simples. Sous le Directoire, il se rendait tous les soirs au jardin du Wauxhall, près de la maison de Voltaire. Tandis que l’on dansait ou bien que l’on buvait, lui se tenait à l’écart dans un coin, ou il se promenait la tête baissée, plongé dans ses rêveries. Mercier avait alors soixante ans, et de beaux cheveux de neige sous son chapeau incliné. Ce fut au Wauxhall d’été que M. Salbigoton-Quesné, homme de lettres normand, lui fut présenté pour la première fois. M. Quesné rapporte ainsi cette entrevue : « Vous faites sans doute des vers, me dit Mercier, car c’est ordinairement par la poésie que commencent la plupart des jeunes gens. — Non, lui répondis-je. — Vous travaillez donc à des romans ? — J’en ai composé trois, dont deux sont imprimés. — Avez-vous lu mon Tableau de Paris ? — Je n’en connais que trois ou quatre tomes. — Lisez-le tout entier : c’est un bon ouvrage. — J’ai lu avec plaisir votre Jezennemours. — C’est une production échappée à ma jeunesse. — Oserai-je vous demander si quelque travail littéraire est maintenant l’objet de vos soins ? — Non, je n’ai point de sujets, et les bons s’inspirent. »

Ce fut son terme.

Le même monsieur étant allé lui rendre visite quelque temps après, pour lui soumettre un éloge de Pascal, raconte le trait suivant : « Je commençai ma lecture, dont le sujet me parut l’intéresser vivement par l’attention qu’il me prêta, surtout au moment où Pascal, revenant un matin de Saint-Sulpice, rencontre une très-belle paysanne qui lui demande des secours. Au mouvement de tête de Mercier, je ne pus retenir un sourire, ayant la veille appris d’une jolie femme qu’il avait longtemps suivi