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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/110

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LES RESSUSCITÉS

l’exquise souveraineté des manières. Elle savait le regard, comme la châtelaine de l’Abbaye-au-Bois ; ainsi que le sien, son langage était empreint de suavités particulières et d’harmonie nonchalante, — voix d’or, lumière parlée, — suivant l’expression hardie d’un grand écrivain.

C’est qu’il faut le dire aussi, madame Récamier faisait des élèves à son insu. Une soirée passée à l’Abbaye-au-Bois valait mieux pour une comédienne que dix années de Conservatoire. Mademoiselle Mante y avait appris à faire craquer l’éventail de Célimène, à marcher, à sourire, à s’asseoir dans le goût suprême. La juive Rachel y a passé, elle aussi, et peut-être au fond du rôle d’Adrienne Lecouvreur retrouverait-on quelques réminiscences brillantes du salon de la rue de Sèvres.

Madame Récamier ne détestait pas raconter quelques anecdotes du temps révolutionnaire. Sa mémoire était comme un livre curieux, qu’elle ouvrait devant quelques intimes, et où elle lisait les yeux fermés, — car depuis quelques années sa vue s’était beaucoup affaiblie. Nous voudrions avoir souvenir de tous les