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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/272

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LES RESSUSCITÉS

nous rappelons cette aventure. — Ce soir-là, comme nous allions entrer dans le théâtre de la rue Richelieu, nous aperçûmes Jean Journet, qui était adossé, méditatif et sombre, contre un des piliers du péristyle. Il ne s’éclaircit pas à notre aspect. Il nous entretint de la misère et de la vanité des temps actuels, il nous raconta comment tout allait de mal en pis et pourquoi on l’empêchait de parler dans les clubs ; c’était là surtout son grave et douloureux grief. Ne pouvoir parler ni en prose ni en vers, lui l’apôtre et le poëte ! Aussi désespérait-il ingénument des clubs et de leur influence. Son discours, qui fut assez bref et empreint d’une visible préoccupation, se termina par ces paroles mémorables : « — Allez à vos plaisirs ! » On jouait la Camaraderie de M. Scribe.

Une fois à mes plaisirs, comme il disait, je me mis peu à peu à l’oublier. Au bout d’un quart d’heure, j’étais tout entier à la grâce spirituelle et bonne de mademoiselle Denain, au jeu mignard de mademoiselle Anaïs. La première avait une robe en soie blanche, unie, qui lui allait bien de partout et où elle était emprisonnée comme l’eau dans une carafe.