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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/86

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LES RESSUSCITÉS

Je viens d’immoler la victime,
Et d’implorer la faveur de nos dieux.
Viens, que je sois ta bien-aimée.
J’ai suspendu ma couche en souvenir de toi ;
D’aloès je l’ai parfumée ;
Sur un riche tapis je recevrai mon roi.
Dans l’albâtre éclatant la lampe est allumée ;
Un bain voluptueux est préparé pour moi.

L’époux qu’on m’a choisi, mais qui n’a pas mon âme,
Est parti ce matin pour ses plants d’oliviers ;
Il veut écouler ses viviers ;
Sa vigne ensuite le réclame.
Il a pris dans sa main son bâton de palmier,
Et mis deux sicles d’or dans sa large ceinture ;
Il ne reviendra point que de son orbe entier
L’astre des nuits n’ait rempli la mesure.

« Quand l’âme est élevée, dit le fier vicomte, les paroles tombent d’en haut, et l’expression noble suit toujours la noble pensée. » Certes, ce n’est pas nous qui protesterons contre cette admirable poétique en trois lignes ; mais là où la pensée n’a que faire, alors que le récit ou la description suit doucement sa pente naturelle, à quoi bon la solennité de la phrase, l’éternelle aristocratie du mot ? Quoi ! toujours le marinier pour le marin, l’astre des jours pour le soleil ? L’auteur des Natchez, que son grand respect pour la rhétorique oblige à reconnaître les trois styles, oublie donc que le premier d’entre eux est précisément le style simple, et