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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/91

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CHATEAUBRIAND

Voilà que notre littérature, en moins de soixante ans, a déjà passé par les cribles successifs de trois révolutions. La première, la grande de 1789, a donné des résultats d’une puissance incontestable et souvent effrayante. D’abord elle a fait descendre quatre à quatre aux écrivains les degrés de l’Encyclopédie, et elle les a logés dans la rue, où bientôt, ahuris et chétifs, ils sont morts sans postérité. Alors ceux qui se sont levés derrière ont été de bien autres hommes. Littérateurs fauves, on ne sait d’où venus, sans tradition, jouant de la guitare sous la potence ou décrivant des scènes d’égorgement dans des châteaux, ils ont fait école neuve. Si bien qu’il y a eu pour eux lecture et succès, même aux jours les plus affreux. Ceux-là ont parlé au peuple ; seulement, ils lui ont mal parlé ; mais la tendance était bonne. Ils ont compris que, jusqu’à présent, on n’avait pas pris garde à la plus grande portion du public. De voir des livres qui ont la prétention de s’adresser à tous, écrits comme le Bonheur de M. Helvétius, cela leur a fait lever les épaules, et ils se sont mis à procéder d’autre façon. Malheureusement, ils ont dépassé le but : au