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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/98

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LES RESSUSCITÉS

Elle est morte, on s’en souvient, pendant le choléra de 1849. C’était alors une débâcle générale. Chacun émigrait vers le cimetière du Père-Lachaise, ce Coblentz de tous les partis. Chaque jour les églises se tendaient de noir et pleuraient des larmes d’argent. Sur les boulevards, sur les quais, on ne rencontrait plus que des croque-morts, des tambours aux baguettes entortillées d’un crêpe, des compagnies de gardes nationaux qui portaient mélancoliquement le canon de leur fusil incliné vers la terre. Ah ! le vilain spectacle ! Tout le monde nous abandonnait au moment de notre révolution. Les personnes les plus illustres par leurs talents ou par leurs grâces s’empressaient de nous dire brusquement adieu, lorsque nous avions le plus besoin de grâce et de talents ; et parce que nous nous étions un instant absentés des salons, les salons se barricadaient sans pitié derrière nous.

C’était un autre champ d’asile, cette Abbaye-au-Bois, un nid de poètes et de belles femmes, où dans ces derniers temps, après avoir vécu de la vie ambitieuse, bruyante, romanesque, les uns et les autres finissaient