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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/121

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C’est une grande simplesse d’apprendre à nos enfans

Quid moveant Pisces, animosaque signa Leonis,
Lotus et Hesperia quid Capricornus aqua,


la science des astres et le mouvement de la huitiesme sphere, avant que les leurs propres :

Τίι Πλειάδεσσι κᾴμοι
τί δ’ ᾴστράσι Βοώτεω ;

Anaximenes escrivant à Pythagoras : De quel sens puis-je m’amuser au secret des estoiles, ayant la mort ou la servitude tousjours presente aux yeux (car lors les Roys de Perse preparoient la guerre contre son païs). Chacun doit dire ainsin : Estant battu d’ambition, d’avarice, de temerité, de superstition, et ayant au-dedans tels autres ennemis de la vie, iray-je songer au bransle du monde ? Apres qu’on luy aura dict ce qui sert à le faire plus sage et meilleur, on l’entretiendra que c’est que Logique, Physique, Geometrie, Rhetorique ; et la science qu’il choisira, ayant des-jà le jugement formé, il en viendra bien tost à bout. Sa leçon se fera tantost par devis, tantost par livre ; tantost son gouverneur luy fournira de l’auteur mesme, propre à cette fin de son institution ; tantost il luy en donnera la moelle et la substance toute maschée. Et si, de soy mesme, il n’est assez familier des livres pour y trouver tant de beaux discours qui y sont, pour l’effect de son dessein, on luy pourra joindre quelque homme de lettres, qui à chaque besoing fournisse les munitions qu’il faudra, pour les distribuer et dispenser à son nourrisson. Et que cette leçon ne soit plus aisée et naturelle que celle de Gaza, qui y peut faire doute ? Ce sont là preceptes espineux et mal plaisans, et des mots vains et descharnez, où il n’y a point de prise, rien qui vous esveille l’esprit. En cette cy l’ame trouve où mordre et où se paistre. Ce fruict est plus grand, sans comparaison, et si sera plustost meury. C’est grand cas que les choses en soyent là en nostre siecle, que la philosophie, ce soit, jusques aux gens d’entendement, un nom vain et fantastique, qui se treuve de nul usage et de nul pris, et par opinion et par effect. Je croy que ces ergotismes en sont cause, qui ont saisi ses avenues. On a grand tort de la peindre inaccessible aux enfans, et d’un visage renfroigné, sourcilleux et terrible. Qui me l’a masquée de ce faux visage, pasle et hideux ? Il n’est rien plus gay, plus gaillard, plus enjoué, et à peu que je ne dise follastre. Elle ne presche que feste et bon temps. Une mine triste et