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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/196

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Et cuncta terrarum subacta,
Praeter atrocem animum Catonis.

Et le maistre du chœur, apres avoir étalé les noms des plus grands Romains en sa peinture, finit en cette maniere :

his dantem jura Catonem.



Chapitre 38 :
Comme Nous Pleurons et Rions d’une Mesme Chose



QVand nous rencontrons dans les histoires, qu’Antigonus sceut tres-mauvais gré à son fils de luy avoir presenté la teste du Roy Pyrrhus, son ennemy, qui venoit sur l’heure mesme d’estre tué combatant contre luy, et que, l’ayant veue, il se print bien fort à pleurer ; et que le Duc René de Lorraine pleignit aussi la mort du Duc Charles de Bourgoigne qu’il venoit de deffaire, et en porta le deuil en son enterrement ; et que, en la bataille d’Auroy que le Comte de Montfort gaigna contre Charles de Blois, sa partie pour le Duché de Bretaigne, le victorieux, rencontrant le corps de son ennemy trespassé, en mena grand deuil, il ne faut pas s’escrier soudain :

Et cosi aven che l’animo ciascuna
Sua passion sotto el contrario manto
Ricopre, con la vista hor’ chiara hor bruna.

Quand on presenta à Caesar la teste de Pompeius, les histoires disent qu’il en destourna sa veue comme d’un vilain et mal plaisant spectacle. Il y avoit eu entr’eux une si longue intelligence et societé au maniement des affaires publiques, tant de communauté de fortunes, tant d’offices reciproques et d’alliance, qu’il ne faut pas croire que cette contenance fut toute fauce et contrefaicte, comme estime cet autre :

tutumque putavit
Jam bonus esse socer ; lachrimas non sponte cadentes
Effudit, gemitusque expressit pectore laeto.

Car, bien que, à la verité, la pluspart de nos actions ne soient que masque et fard, et qu’il puisse quelquefois estre vray,