Aller au contenu

Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prenoyent aleine en beuvant. Ils baptisoient le vin,

quis puer ocius
Restinguet ardentis falerni
Pocula praetereunte lympha ?

Et ces champisses contenances de nos laquais y estoyent aussi,

O Jane, à tergo quem nulla ciconia pinsit,
Nec manus auriculas imitata est mobilis albas,
Nec linguae quantum sitiet canis Apula tantum.

Les Dames Argienes et Romaines portoyent le deuil blanc, comme les nostres avoient accoustumé, et devoyent continuer de faire, si j’en estois creu.

Mais il y a des livres entiers faits sur cet argument.


Chapitre 50 :
De Democritus et Heraclitus



LE jugement est un util à tous subjects, et se mesle par tout. A cette cause, aux essais que j’en fay ici, j’y employe toute sorte d’occasion. Si c’est un subject que je n’entende point, à cela mesme je l’essaye, sondant le gué de bien loing ; et puis, le trouvant trop profond pour ma taille, je me tiens à la rive : et cette reconnoissance de ne pouvoir passer outre, c’est un traict de son effect, voire de ceux dequoy il se vante le plus. Tantost, à un subject vain et de neant, j’essaye voir s’il trouvera dequoy lui donner corps, et dequoy l’appuyer et estançonner. Tantost je le promene à un subject noble et tracassé, auquel il n’a rien à trouver de soy, le chemin en estant si frayé qu’il ne peut marcher que sur la piste d’autruy. Là il fait son jeu à eslire la route qui luy semble la meilleure, et, de mille sentiers, il dict que cettuy-cy, ou celuy là, a esté le mieux choisi. Je prends de la fortune le premier argument. Ils me sont également bons. Et ne desseigne jamais de les produire entiers.