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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/112

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Nec crepitacula eis opus est, nec cuiquam adhibenda est
Almæ nutricis blanda atque infracta loquela :
Nec varias quærunt vestes pro tempore cæli :
Denique non armis opus est, non moenibus altis
Queis sua tutentur, quando omnibus omnia largè
Tellus ipsa parit, naturáque dædala rerum.

Ces plaintes là sont fauces : il y a en la police du monde, une egalité plus grande, et une relation plus uniforme.

Nostre peau est pourveue aussi suffisamment que la leur, de fermeté contre les injures du temps, tesmoing plusieurs nations, qui n’ont encores essayé nul usage de vestemens. Noz anciens Gaulois n’estoient gueres vestus, ne sont pas les Irlandois noz voisins, soubs un ciel si froid : Mais nous le jugeons mieux par nous mesmes : car tous les endroits de la personne, qu’il nous plaist descouvrir au vent et à l’air, se trouvent propres à le souffrir : S’il y a partie en nous foible, et qui semble devoir craindre la froidure, ce devroit estre l’estomach, où se fait la digestion : noz peres le portoyent descouvert, et noz Dames, ainsi molles et delicates qu’elles sont, elles s’en vont tantost entr’ouvertes jusques au nombril. Les liaisons et emmaillottems des enfans ne sont non plus necessaires : et les meres Lacedemoniennes eslevoient les leurs en toute liberté de mouvements de membres, sans les attacher ne plier. Nostre pleurer est commun à la plus part des autres animaux, et n’en est guere qu’on ne voye se plaindre et gemir long temps apres leur naissance : d’autant que c’est une contenance bien sortable à la foiblesse, en quoy ils se sentent. Quant à l’usage du manger, il est en nous, comme en eux, naturel et sans instruction.