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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/276

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Credo che’l resto di quel verno cose
Facesse degne di tenerne conto ;
Ma fur sin’a quel tempo si nascose,
Che non è colpa mia s’hor’non le conto :
Perche Orlando a far opre virtuose,
Piu ch’a narrarle poi, sempre era pronto,
Ne mai fu alcun’de li suoi fatti espresso,
Senon quando hebbe i testimonii apresso.

Il faut aller à la guerre pour son devoir, et en attendre cette recompense, qui ne peut faillir à toutes belles actions, pour occultes qu’elles soient, non pas mesmes aux vertueuses pensées : c’est le contentement qu’une conscience bien reglée reçoit en soy de bien faire. Il faut estre vaillant pour soy-mesmes et pour l’avantage que c’est d’avoir son courage logé en une assiette ferme et asseurée contre les assauts de la fortune :

Virtus, repulsae nescia sordidae,
Intaminatis fulget honoribus,
Nec sumit aut ponit secures
Arbitrio popularis aurae.

Ce n’est pas pour la montre que nostre ame doit jouer son rolle, c’est chez nous, au dedans, où nuls yeux ne donnent que les nostres : là elle nous couvre de la crainte de la mort, des douleurs et de la honte mesme ; elle nous asseure là de la perte de nos enfans, de nos amis et de nos fortunes, et, quand l’opportunité s’y presente, elle nous conduit aussi aux hazards de la guerre. Non emolumento aliquo, sed ipsius honestatis decore. Ce profit est bien plus grand et bien plus digne d’estre souhaité et esperé, que l’honneur et la gloire, qui n’est qu’un favorable jugement qu’on faict de nous. Il faut trier de toute une nation une douzaine d’hommes pour juger d’un arpent de terre ; et le jugement de nos inclinations et de nos actions, la plus difficile matiere et la plus importante qui soit, nous la remettons à la voix