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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/360

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autrement en la vie de Flaminius, autrement en celle de Pyrrhus. Mais de le charger d’avoir pris pour argent content des choses incroyables et impossibles, c’est accuser de faute de jugement le plus judicieux autheur du monde. Et voicy son exemple : Comme, ce dit-il, quand il recite qu’un enfant de Lacedemone se laissa deschirer tout le ventre à un renardeau qu’il avoit desrobé, et le tenoit caché soubs sa robe, jusques à mourir plustost que de descouvrir son larecin. Je trouve, en premier lieu, cet exemple mal choisi, d’autant qu’il est bien mal-aisé de borner les efforts des facultez de l’ame, là où des forces corporelles nous avons plus de loy de les limiter et cognoistre ; et à cette cause, si c’eust été à moy à faire, j’eusse plustost choisi un exemple de cette seconde sorte ; et il y en a de moins croyables, comme, entre autres, ce qu’il recite de Pyrrhus, que, tout blessé qu’il estoit, il donna si grand coup d’espée à un sien ennemy armé de toutes pieces, qu’il le fendit du haut de la teste jusques en bas, si que le corps se partit en deux parts. En son exemple, je n’y trouve pas grand miracle, ny ne reçois l’excuse de quoy il couvre Plutarque, d’avoir adjousté ce mot : Comme on dit, pour nous advertir et tenir en bride nostre creance. Car, si ce n’est aux choses receues par authorité et reverence d’ancienneté ou de religion, il n’eust voulu ny recevoir luy mesme ny nous proposer à croire choses de soy incroyables ; et que ce mot : Comme on dit, il ne l’employe pas en ce lieu pour cet effect, il est aysé à voir par ce que luy mesme nous raconte ailleurs, sur ce subject de la patience des enfans Lacedemoniens, des exemples advenuz de son temps, plus mal-aisez à persuader : comme celuy que Cicero a tesmoigné aussi avant luy, pour avoir, à ce qu’il dict, esté sur les lieux, que jusques à leur temps il se trouvoit des enfans, en cette preuve de patience à quoy on les essayoit devant l’autel de Diane, qui soufroyent d’y estre foytez jusques à ce que le sang