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Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 2.djvu/63

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plus que leurs membres : arma enim, membra militis esse dicunt. Mais quant et quant encore, ce qu’il leur falloit de vivres, pour quinze jours, et certaine quantité de paux pour faire leurs rempars, jusques à soixante livres de poix. Et les soldats de Marius ainsi chargez, marchant en bataille, estoient duits à faire cinq lieuës en cinq heures, et six s’il y avoit haste. Leur discipline militaire estoit beaucoup plus rude que la nostre : aussi produisoit elle de bien autres effects. Le jeune Scipion reformant son armée en Espaigne, ordonna à ses soldats de ne manger que debout, et rien de cuit. Ce traict est merveilleux à ce propos, qu’il fut reproché à un soldat Lacedemonien, qu’estant à l’expedition d’une guerre, on l’avoit veu soubs le couvert d’une maison : ils estoient si durcis à la peine, que c’estoit honte d’estre veu soubs un autre toict que celuy du ciel, quelque temps qu’il fist. Nous ne menerions guere loing nos gens à ce prix là.

Au demeurant Marcellinus, homme nourry aux guerres Romaines, remerque curieusement la façon que les Parthes avoyent de s’armer, et la remerque d’autant qu’elle estoit esloignée de la Romaine. Ils avoyent, dit-il, des armes tissuës en maniere de petites plumes, qui n’empeschoient pas le mouvement de leur corps : et si estoient si fortes que nos dards rejallissoient venans à les hurter (ce sont les escailles, dequoy nos ancestres avoient fort accoustumé de se servir) Et en un autre lieu : Ils avoient, dit-il, leurs chevaux fors et roides, couverts de gros cuir, et eux estoient armez de cap à pied, de grosses lames de fer, rengées de tel artifice, qu’à l’endroit des jointures des membres elles prestoient