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ÉLOGE DE BERWICK.

surtout à ne point connoître son incapacité. Le prince Eugène ayant quitté l’Allemagne[1] pour aller en Flandre, M. le maréchal de Berwick l’y suivit. Après la perte de la bataille d’Oudenarde, les ennemis firent le siège de Lille ; et pour lors M. le maréchal de Berwick joignit son armée à celle de M. de Vendôme. Il fallut des miracles sans nombre pour nous faire perdre Lille. M. le duc de Vendôme étoit irrité contre M. le maréchal de Berwick, qui avoit fait difficulté de servir sous lui. Depuis ce temps aucun avis de M. le maréchal de Berwick ne fut accepté par M. le duc de Vendôme ; et son âme, si grande d’ailleurs, ne conserva plus qu’un ressentiment vif de l’espèce d’affront qu’il croyoit avoir reçu. M. le duc de Bourgogne et le roi, toujours partagés entre des propositions contradictoires, ne savoient prendre d’autre parti que de déférer au sentiment de M. de Vendôme, Il fallut que le roi envoyât à l’armée, pour concilier les généraux, un ministre qui n’avoit point d’yeux : il fallut que cette maladie de la nature humaine, de ne pouvoir souffrir le bien lorsqu’il est fait par des gens que l’on n’aime pas, infestât pendant toute cette campagne le cœur et l’esprit de M. le duc de Vendôme : il fallut qu’un lieutenant-général eût assez de faveur à la cour pour pouvoir faire à l’armée deux sottises l’une après l’autre, qui seront mémorables dans tous les temps : sa défaite et sa capitulation ; il fallut que le siège de Bruxelles eût été rejeté d’abord, et qu’il eût été entrepris depuis ; que l’on résolût de garder en même temps l’Escaut et le canal, c’est-à-dire de ne garder rien. Enfin le procès entre ces deux grands hommes existe ; les lettres écrites par le roi, par M. le duc de Bourgogne, par M. le duc de Vendôme, par

  1. var. Ayant quitté le Rhin, etc.