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SUR L'ANGLETERRE.

Il me semble que Paris est une belle ville où il y a des choses plus laides, Londres une vilaine ville où il y a de très-belles choses.


A Londres, liberté et égalité. La liberté de Londres est la liberté des honnêtes gens, en quoi elle diffère de celle de Venise, qui est la liberté de vivre obscurément et avec des p… et de les épouser : l’égalité de Londres est aussi l’égalité des honnêtes gens, en quoi elle diffère de la liberté de Hollande, qui est la liberté de la canaille.

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Le Craftsman[1] est fait par Bolingbroke et par M. Pulteney. On le fait conseiller[2] par trois avocats avant de l’imprimer, pour savoir s’il y a quelque chose qui blesse la loi.


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C’est une chose lamentable que les plaintes des étrangers, surtout des Français, qui sont à Londres. Ils disent qu’ils ne peuvent y faire un ami ; que, plus ils y restent, moins ils en ont ; que leurs politesses sont reçues comme des injures. Kinski, les Broglie, La Vilette, qui appelait à Paris milord Essex son fils, qui donnait de petits remèdes à tout le monde, et demandait à toutes les femmes des nouvelles de leur santé : ces gens-là veulent que les Anglais soient faits comme eux. Comment les Anglais aimeraient-ils les étrangers ? ils ne s’aiment pas eux-mêmes. Comment nous donneraient-ils à diner ? ils ne se donnent pas à diner entre eux. « Mais on vient dans un pays pour

  1. Le Craftsman était un journal ; craftsman signifie artisan. (Note de l’éd. de 1818.)
  2. Conseiller est là pour examiner. (1818.)