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LETTRES FAMILIÈRES.



LETTRE XCV.


A M.L'ABBE VENUTI.


A BORDEAUX.


Il ne faut point vous flatter, mon cher Abbé, que l’abbé de Guasco vous écrive de sa main triomphante ; mais si vous étiez ex-ministre des affaires étrangères, il iroit dîner chez vous pour vous consoler [1]. Le pauvre homme promène son œil sur toutes les brochures, prodigue son mauvais estomac pour toutes les invitations de dîners d’ambassadeurs, et ruine sa poitrine au service de son Cantimir et de son Clément V ; ce qui n’empêche pas qu’on ne trouve son Cantimir très-froid ; mais c’est la faute de feu son Excellence.

Il n’y a aucune apparence que j’aille en Angleterre, il y en a une beaucoup pins grande que j’irai à la Brède. J’écris une lettre de félicitation au président de la Lane sur sa réception à l’académie. Bonardi, le président de cette académie, qui est venu me raconter tous les dîners qu’il a faits depuis son retour, chez tous les beaux esprits qui dînent, avec la généalogie [2] des dîneurs, m’a dit qu’il adres-

  1. Le marquis d’Argenson, ci-devant ministre des affaires étrangères, après sa démission, donnoit à dîner à ses confrères tous les jours d’assemblée d’académie, se dédommageant ainsi de son désœuvrement avec les gens de lettres, et M. l’abbé de Guasco, qui venoit d’être reçu à l’académie des inscriptions, avoit été mis au nombre des convives. (GUASCO.)
  2. Plaisanterie allusive à l’étude particulière qu’un seigneur do Languedoc a faite de la généalogie de toutes les familles, et qui fait le sujet ordinaire des entretiens qu’il a avec les gens de lettres. L'abbé Bonardi, dans sa tournée, avoit été visiter ce seigneur dans son château, et s’étoit fort enrichi d’érudition généalogique, dont il ne manquoit pas de faire éta-