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LETTRES FAMILIÈRES.




LETTRE CXVII.


A L’ABBÉ COMTE DE GUASCO.


Mon cher ami, vous volez dans les vastes régions de l’air, je ne fais que marcher, et nous ne nous rencontrons pas. Dès que j’ai été libre de quitter Paris, je n’ai pas manqué de venir ici, où j’avois des affaires considérables. Je pars dans ce moment pour Clérac, et j’ai avancé mon voyage d’un mois pour trouver M. le duc d’Aiguillon, et finir avec lui [1], parce que ses gens d’affaires barbouillent plus qu’ils n’ont jamais fait. J’ai envoyé le tonneau de vin à mylord Eliban, que vous m’avez demandé pour lui. Mylord me le payera ce qu’il voudra ; et s’il veut ajouter à l’amitié ce qu’il voudra retrancher du prix, il me fera un présent immense : vous pouvez lui mander qu’il pourra le garder tant qu’il voudra, même quinze ans s’il veut ; mais il ne faut pas qu’il le mêle avec d’autres vins, et il peut être sûr qu’il l’a immédiatement comme je l’ai reçu de Dieu ; il n’est pas passé par les mains des marchands.

Mon cher abbé, à votre retour d’Italie, pourquoi ne passeriez-vous pas par Bordeaux, et ne voudriez-vous pas voir vos amis, et le château de la Brède, que j’ai si fort embelli depuis que vous ne l’avez vu ? c’est le plus beau lieu champêtre que je connoisse.


Sunt mihi Cœlicolæ, sunt cætera numina Fauni.
  1. Des biens, sous la seigneurie d’Aiguillon, causoient un procès qui duroit depuis longtemps, au sujet du franc-aleu : procès qui avoit failli le brouiller avec madame la duchesse d’Aiguillon, son ancienne amie, et qui lui tenoit, par cette raison, fort à cœur de le voir terminé. (GUASCO.)